chaque semaine, l'édito signé par une personnalité du monde du Transport

Publié le par



__________________________________________________________________________________________-

Financement du Grenelle:
viser davantage de compétitivité pour l'économie française en servant les flux européens


Le Grenelle aujourd'hui : des objectifs plus politiques qu'économiques


Sous couvert des nécessaires objectifs européens de réduction des émissions polluantes du transport routier, le Grenelle de l'Environnement doit organiser le transfert au rail d'une partie des besoins de transport de marchandises.
En pratique, il s'agit de favoriser la compagnie nationale SNCF, largement distancée par la Deutsche Bahn dans le fret et à l'international, et rééquilibrer les dépenses d'infrastructures au bénéfice de RFF et des industries des travaux publics et ferroviaires.
Pour les professionnels du privé, la réponse réellement adaptée diffère et varie selon que l'on s'adresse aux organisateurs de transport ou aux entreprises de transport intermodal.
Pour les premiers, la réponse est le camion propre. Il ne fait aucun doute qu'il verra le jour à échéance assez rapprochée, vraisemblablement aux USA pour commencer.
Pour les seconds, la solution réside plutôt dans le développement du marché de l'inter-modalité, qui combinera un transport terminal routier avec un transport longue distance plus propre, conteneurisé, performant, ferroviaire, mais aussi fluvial, voire maritime de « short-sea » dans quelques cas.
Il est aussi une troisième catégorie d'acteurs qui vise la disponibilité d'un réseau TGV fret français et européen permettant d'acheminer à grande vitesse, de nuit, des marchandises à prix élevé pour commencer.


Un atout à ne pas gaspiller : le rôle du transport routier pour la compétitivité de l'économie


Depuis des années, le transport routier facilite le développement de l'économie européenne car il est très bon marché et bien plus compétitif que le transport ferroviaire, par ailleurs très difficile et coûteux à réformer. Cela ne sous-entend pas pour autant que les tractionnaires routiers soient trop bien payés, ni qu'il faudrait les surtaxer.
Mais les partisans du ferroviaire sont insistants. Quand bien même la question du financement des nouvelles infrastructures ferroviaires serait résolue pour les besoins des transporteurs intermodaux et du système TGV fret, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, il resterait l'impact de l'augmentation des coûts de transport intérieur des marchandises par le fer, que devront supporter les consommateurs à qui les chargeurs les répercuteraient.
Est-ce rendre service à l'économie que de renchérir de façon purement artificielle ses coûts de production pour avantager un mode, alors la clé du dynamisme semble résider dans leur abaissement pour améliorer la compétitivité des produits et le dynamisme de la consommation ?
En toute rigueur, la volonté de transfert de la route au rail pour des raisons écologiques sera rendue caduque par la disponibilité du camion propre.

Mieux vaudrait donc établir de nouvelles priorités stratégiques.


Cibler les solutions intermodales en priorisant le rail et la voie d'eau pour les trafics transeuropéens en transit


Autant l'Allemagne joue le rôle d'un gros récepteur et émetteur de trafics qui irriguent ses réseaux de transport nationaux et internationaux dans lesquels elle investit et sur lesquels elle fait surfer son industrie, autant la France joue un rôle non négligeable dans le transit transeuropéen routier, dont elle aurait le tiers. Ce sont des quantités absolument inimaginables et des volumes lourds. Il n'est donc pas absurde de caler le développement des transports français par le rail sur la satisfaction des objectifs du Grenelle de l'Environnement mais sur des flux transeuropéens en transit.
Dès lors, il est plus simple de peser sur le transit routier pour du report (inter)modal.
En mettant les remorques, les caisses mobiles et les conteneurs en transit par nos frontières sur le train et sur des barges, il y a de quoi alimenter la croissance du transport ferroviaire, mais aussi du transport fluvial, du roll on-roll off (« ro-ro ») maritime, et celle de tous les opérateurs combinés.
Cela devrait mettre tout le monde d'accord sur les portions françaises de corridors européens à moderniser, qui paraissent prioritaires, et cela indique clairement là où les entreprises doivent se positionner.


Approfondir le rôle de plaque tournante que pourrait jouer l'Hexagone dans le transit des marchandises internationales


En toute logique, l'idée du transit international devrait être approfondie : comment attirer plus de marchandises débarquées des ports et aéroports de l'Union en les faisant arrivées en France en leur garantissant un transit de qualité ? Nous avons, du point de vue de sa localisation géographique le meilleur port européen, avec le Havre, et le 1er port méditerranéen avec Marseille !
Certes, ils ont les pires raccordements aux réseaux ferroviaires et fluviaux intérieurs et européens. En réalité, c'est là qu'il faudrait investir en priorité sous pilotage des manutentionnaires privés des terminaux portuaires.
De plus, il faut plus de concurrence pour la traction des trains sur ces axes stratégiques, et aussi, que l'on puisse faire ces trajets par le fluvial, voire par la route, en fonction du besoin de vitesse propre à chaque marchandise.
Enfin, le financement des infrastructures pour dédoubler le réseau TGV pour le fret devrait être gagé par les gains de productivité à réaliser en automatisant la manutention et le transbordement des marchandises des acteurs concernés, dont les chargeurs, plus qu'au frais de la collectivité.
Le Grenelle de l'Environnement doit permettre de rendre le transport français des prochaines années stratégique pour enrichir son économie en utilisant à bon escient les ressources d'un futur grand plan de relance européen.


Pascal ALBERTINI
Conseil pour la promotion et le développement du Transport et de la Logistique,
Consultant externe pour le secteur Transport et Logistique d'Eurostaf (Groupe Les Echos)
pascal-albertini@noos.fr


Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article